La justice, la réconciliation et la paix dans la Région d’Afrique des Grands-Lacs, sous l’inspiration de l’engagement sociopolitique de Mgr Christophe MUNZIHIRWA, SJ, tel est le titre des présents Actes du symposium international, tenu du 31 août au 03 septembre 2023, dans la grande salle du majestueux collège Alfajiri, à Bukavu, en République démocratique du Congo. Véritable banquet intellectuel, ce symposium a rassemblé diverses personnalités de haute facture : évêques, professeurs d’université, autorités politico-administratives, acteurs de la société civile… autour de la mémoire de Mgr MUNZIHIRWA.
Sur 449 pages et dans un style aussi varié que captivant, au gré des auteurs, nous sommes entraînés tout au long des pages de ces Actes dans une merveilleuse aventure, à la découverte de cette figure emblématique et charismatique, digne fils du Kivu, sa terre natale, ce contemporain engagé, ce saint homme, humble serviteur de Dieu et de l’humanité souffrante, Mgr Christophe MUNZIHIRWA Mwene Ngabo, SJ.
« Pas de paix sans réconciliation, pas de réconciliation sans justice, pas de justice sans vérité », dit-on. Cela, Mzee Christophe MUNZIHIRWA l’avait compris. Aussi s’est-il engagé en faveur de la vérité et de la justice, plus précisément de la justice transitionnelle comme nous le révèlent Aline BAHATI, Odile BAPOLISI et Arnold NYALUMA. Mais qui est donc Mgr Christophe MUNZIHIRWA, affectueusement surnommé « Mzee » (càd. Vieux, sage en kiswahili) ?
Mgr Christophe MUNZIHIRWA est un évêque et un véritable fils de Saint Ignace (Mgr Jean-Donat BAFUIDINSONI, SJ, et Charles CHILUFYA, SJ). Il est : un martyr de la paix (Abbé Justin NKUNZI), un prophète de l’unité contre la balkanisation (Prof. Wenceslas CHIZUNGU), un ambassadeur de la réconciliation (Prof. Jean-Claude LOBA), un combattant non seulement résilient, mais surtout proactif. Proactivité à laquelle il nous engage pour juguler à l’Est de la R.D.C. les violences, en général, et celles contre les femmes, en particulier (Sr Espérance HAMULI). Autant des témoignages de vie qui, tous, militent pour sa Béatification, dont l’état d’avancement de la cause nous est présenté par l’Abbé Boniface KANOZIRE.
Témoin de la vérité, Mgr MUNZIHIRWA l’a été, avec une audace prophétique remarquable afin que la fraternité ne soit jamais brisée entre les individus et entre les ethnies ou peuples. Témoin de la justice, il l’a également été, afin que les plus forts n’écrasent pas les plus faibles et que ne soit à jamais éteinte la flamme qui faiblit au risque de plonger le pays et toute la région de Grands lacs dans l’obscurité profonde.
Bien plus, ces Actes opèrent un diagnostic sans complaisance des guerres dans la région de Grands lacs africains dont les causes, bien que diverses et multiples, sont principalement : les enjeux socioéconomiques (Prof. Matthieu CINYABUGUMA), l’instabilité politique (Adrien ZAWADI), les conflits politico-juridiques autour des contrats miniers (Prof. Nathalie NAKABANDA), les conflits identitaires (Dieudonné CHIRISHUNGU). D’où ces crises humanitaires à répétition et cette permanente question des déplacés des guerres et des violences dans la Région de Grands-Lacs (Père Martin BAHATI, SJ).
Dès lors, que faire face pour conjurer ces drames humanitaires ? Plusieurs pistes de solutions possibles : lutter contre les violences en vue de construire la paix (Mme Aline BUROKO), remédier aux conflits identitaires et régionaux dans la Région de Grands-Lacs (Dieudonné CHIRISHUNGU), régler les conflits politiques et viser un développement durable pour tous (Père Emmanuel BUEYA, SJ), opter pour une meilleure gouvernance minière, non conflictuelle (Père Ferdinand MUHIGIRWA, SJ), s’engager avec toute l’Eglise à relever les défis de la construction de la paix en R.D.C. (Père Rigobert MINANI, SJ), refonder l’homme congolais grâce à l’esprit Munzihirwa (Mgr Sébastien MUYENGO), vivre les exigences théologiques et politiques du combat en faveur de la justice et de la paix (Père Toussaint KAFARHIRE, SJ), impliquer l’épiscopat congolais dans la meilleure compréhension de ces conflits et guerres, à l’instar de Mzee MUNZIHIRWA (Crispin IBANDA), militer en faveur de la liberté et de la vérité aux prochaines élections sous l’inspiration de Mzee MUNZIHIRWA (Prof. Paterne BATUMIKE). Voilà autant de combats à mener pour un avenir paisible et radieux de la Région de Grands-Lacs.
Dans notre République des ethnies, où règne le tribalisme et bien d’autres replis identitaires, le chemin à parcourir paraît encore long pour qu’enfin nous redevenions réellement une nation, fondée et toujours guidée par le vouloir-vivre-ensemble. Dans cette Afrique de Grands Lacs, théâtre des atrocités innommables et déshumanisantes, sur base des idéologies diverses et multiples, le personnage de Mzee Christophe MUNZIHIRWA, Mhudumu, brille telle l’étoile de la mer, repère incontestable de tous les marins pour nous guider dans notre pèlerinage sur les vagues impétueuses de ce beau lac Kivu, témoin de la barbarie humaine. Car, « il y a des choses dans la vie que ne peuvent voir que les yeux qui ont beaucoup pleuré », disait Mzee MUNZIHIRWA ! Et, Dieu seul sait combien nos yeux et ceux de nos frères et sœurs ont pleuré et continuent de pleurer à Rutshuru, à Masisi, à Nyiragongo, dans les camps des déplacés de Kanyaruchinya et Mugunga, à Beni, à Kwamouth, en Ituri, dans les Hauts plateaux d’Uvira et de Mwenga, au plateau des Bateke,… L’homme est devenu un loup pour l’homme. Dans ce contexte comment, sous l’inspiration de l’engagement sociopolitique de Mzee Christophe MUNZIHIRWA réussir à construire la paix ? Tel a été le défi que ces Actes ont essayé de relever.
Oui, Mzee Christophe MUNZIHIRWA, S.J., fut véritablement un témoin, autrement dit un martyr, de l’évangile de la vérité, de la justice, de l’amour, de la réconciliation et de la paix. Il nous a révélé qu’un monde plus fraternel, mieux un meilleur vivre-ensemble, était possible, au-delà de nos clivages et replis ethnico-tribaux. Son engagement sociopolitique nous convoque et nous provoque également à l’action. Il nous invite : à nous engager en faveur de tout homme et de tout l’homme, à devenir des ambassadeurs de la réconciliation, à nous engager socialement et politiquement en faveur d’une réconciliation sociopolitique (Prof. Jean-Marie KITUMAINI).
Voilà une mine d’or, un trésor, une perle rare qui nous est offerte et qu’il nous appartient de nous approprier et de profiter, mieux de bénéficier pour la plus grande gloire de Dieu et le salut de notre chère Afrique (de Grands-Lacs), terre de nos ancêtres et terre d’avenir ! À chacun et à chacune de lui réserver une place dans les rayons de sa bibliothèque. Et surtout, à tous et à chacun(e), une fructueuse lecture !
Erick MASHAKO, SJ
CMS-Kubama (Kisantu/R.D.C.)
